30/03/2022

20211008_151738.jpg
laurier-palme-laurocerasus-genolia-mariblon-.jpg
caucase.jpg
20211008_151729BIS.jpg
Les invasions biologiques représentent la deuxième cause d’appauvrissement de la biodiversité après la destruction des habitats. Des plantes introduites prolifèrent, modifient voire remplacent les écosystèmes locaux et engendrent la banalisation des paysages.

Les espèces exotiques envahissantes et les impacts qu’elles engendrent sont une préoccupation majeure pour les gestionnaires d’espaces naturels, notamment pour les habitats à fort enjeu de conservation mais également pour les espaces verts et zones humides.

Le Laurier du Caucase, Prunus laurocerasus
En hiver lorsque les feuilles sont tombées, le houx, les pins restent verts ainsi que le Laurier du Caucase ou Laurier Palme installé hors des jardins, avec son port arborescent et ses feuilles bien vertes et vernissées.

Cet arbre fleurit et fructifie, ses drupes noires sont consommées par certains oiseaux qui disséminent les graines via leurs fientes. Il se multiplie surtout aussi par le développement de ses racines qui drageonnent ou par marcottage.

Le Laurier Palme vendu en jardinerie est essentiellement utilisé pour les haies comme pare-vue. Il est considéré comme une plante envahissante sur une grande partie de l’Europe.

Le Laurier du Caucase se développe au détriment des espèces locales, des jeunes arbres et des plantes printanières nécessitant de la lumière. Il modifie le paysage. Son implantation hors des jardins résulte des dépôts de déchets verts abandonnés par les particuliers souvent en limite forestière et de la dissémination de ses graines par les oiseaux.
Conseils : Emportez vos restes de tailles à la déchèterie et choisissez des buissons d’espèces locales pour vos haies.

Le noyer du Caucase, Pterocarya fraxinifolia
Le Noyer du Caucase est présent au parc de l’Aleu le long de la Rémarde. L’abattage d’une première partie a commencé cet hiver.

Cette espèce est déclarée «plante invasive» dans ses milieux de prédilection comme les zones humides et bords des rivières. Elle se reproduit à une vitesse catastrophique surtout par drageonnement, formant des boisements denses préjudiciables à la végétation indigène des ripisylves. Elle a été introduite en Europe en 1784 et en 1862 en France.

Très peu d’informations sont disponibles concernant la gestion du Noyer du Caucase. À condition d’être testées avant d’être réalisées à grande échelle, quelques méthodes de gestion peuvent toutefois être envisagées.

Une lutte concertée
Le choix a été fait en lien avec les gardes-rivières de Rambouillet Territoires de procéder à l’abattage de ces arbres afin de redonner de la lumière au cours d’eau du parc de l’Aleu et ainsi limiter leur prolifération. Une partie du linéaire de noyers a été éliminée. Une surveillance des rejets est mise en place et une plantation par bouturage de saules est mise en œuvre par les services des espaces verts afin de concurrencer et peut être à terme éliminer ces arbres classés envahissants. Un suivi permettra de voir l’évolution de ce peuplement. Le Noyer du Caucase comme la plupart des noyers, serait aussi capable de produire une substance limitant la reprise de la végétation locale. A suivre…

La Renouée du Japon, Raynoutria japonica
En Europe vers 1850, elle a été une plante ornementale courante devenue aujourd’hui une invasive indésirable. La Renouée du Japon est représentée actuellement par 2 espèces et leurs hybrides, en tout une trentaine de noms botaniques.

Des « petits noms latins » en pagaille !
Probablement introduite une première fois au moyen-âge pour ses qualités fourragères, elle réapparaît ensuite dans la littérature au XVIIIe siècle.

Carl Thunberg, Suédois et élève de Linné, arrive au japon en 1775 et échange des plantes contre des connaissances médicales. Quelques échantillons sont envoyés à  Maarten Houttuyn, médecin botaniste à Amsterdam, qui en 1777 complète le travail initié par Linné, commettant une erreur qui fait classer la Renouée dans un nouveau genre et l’appelle Raynoutria japonica, nom oublié ensuite jusqu’en 1901.

En 1846 elle est rebaptisée Polygonum cuspidatum par Philipp von Siebold, docteur et naturaliste bavarois. Il fonde une compagnie horticole et la Renouée connaît un immense succès « vigoureuse, médicinale, ornementale, mellifère… » et « inextirpable » ! La même plante a été distribuée sous un autre nom Polygonum sieboldii jusqu’à la fin du XIXe. C’est une plante stérile qui envahit l’Europe simplement par multiplication végétative.

Une espèce proche, la Renouée de Sakhaline, collectée dans l’extrême-Orient Russe par un médecin, s’échange aussi dans les jardins et est introduite en France en 1869. Cette dernière espèce, très fertile, s’échappe des jardins, s’hybride avec la première pour donner ce que l’on pourrait appeler des « super-hybrides » !

La Renouée change encore et encore de nom entre 1900 et 2011. C’est tout un capharnaüm nominatif dans la grande histoire de la botanique jusque dans les années 2000 car avec la naissance de la phylogénie moléculaire, en 2011, 2 genres distincts et 2 noms sont alors attribués : Raynoutria japonica (Houtt., 1777 - ou Fallopia japonica) et Reynoutria sakhalinensis (F.Smidt) Nakai, 1922 (Famille des Polygonaceae).

De 1777 à 2011 la Renouée a donc été baptisée une dizaine de fois mais durant toutes ces années elle s’est installée confortablement démontrant son pouvoir adaptatif sans commune mesure.

Une faculté pour conquérir : Le TOP des envahissantes
Pionnière dans son milieu d’origine, elle sait survivre aux conditions difficiles. Elle émet des substances inhibant la croissance de ses voisines et grandit rapidement. Ces Renouées et leurs descendances hybrides représentent :
- des formes sélectionnées par la nature pour reconquérir les espaces,
- des plantes géantes à forte productivité et grande diversité génétique
- des hybrides qui se croisent entre eux ou avec les espèces parentes

Si la Renouée du Japon est plus fréquente que celle de Sakhaline, elle est souvent l’espèce invasive (avec l’hybride) ayant la plus forte dynamique d’expansion sur notre continent et également en France.
Ces plantes colonisent les rives des cours d’eau mais aussi les bords de routes ou  terrains abandonnés.

Leur impact est négatif sur nos espèces végétales autochtones et animales associées, menaçant les espèces fragiles et la régénération naturelle, l’installation des aulnes, saules ou frênes qui assurent la stabilité des berges.

Abondantes, elles modifient les communautés d’arthropodes, diminuent la diversité des coléoptères, isopodes et autres formicidés, même si, à contrario, elles augmentent celle des hémiptères (pucerons, punaises…). Leur présence associe des super colonies de fourmis Lasius neglectus provenant de l’Est de la mer Noire très agressives envers nos espèces locales.

200 ans de présence en Europe. Comment lutter ?
- L’extraction des rhizomes qui peuvent atteindre 10m de longueur et s’enfoncer jusqu’à 3m de profondeur est compliquée et peu efficace. Un simple fragment oublié ou disséminé reforme une plante.
- La fauche provoque une augmentation de la densité des tiges. C’est une méthode longue qui doit être accompagnée de replantations ciblées.
- Les traitements phytocides testés ne détruisent pas les rhizomes en totalité.
- La lutte biologique avec des insectes herbivores ou des pathogènes fongiques sont à l’étude.
- La lutte préventive en détruisant les terres porteuses des plantes est une action peu utilisée en France. Les terres contaminées par les rhizomes de Renouées doivent être traitées par criblage très fin ou exportées auprès de plateforme d’Installation de Stockage de Déchets Inertes (ISDI), ou ISDND (Installation de Stockage des Déchets Non Dangereux).
- La renaturation des rives en reconstituant les ripisylves et les peuplements forestiers est peut-être la meilleure méthode, associée à d’autres.

Peu importe leur nom latin, les Renouées se jouent des tentatives d’éradication sans que l’on sache clairement pourquoi. Elles risquent bien de rester longtemps chez nous, le mal est fait.

Prenons le bon côté des choses. La Renouée se mange et est toujours consommée au Japon. Sa prédilection pour les zones polluées et sa capacité à concentrer zinc, cuivre et plomb dans les racines et les feuilles n’engagent néanmoins pas à leur consommation ! Les chèvres l’adorent. Elle est médicinale et produit un puissant antioxydant appelé resvératrol. Elle sert de refuge aux insectes et offre son nectar aux abeilles en automne.

Communiquer sur sa présence, avertir, conseiller, prendre conscience de la fragilité de nos espèces locales et lutter en combinant plusieurs actions pourra peut-être limiter sa présence.

Aujourd’hui, les avis convergent pour considérer leur éradication comme impossible et la réalisation d’objectifs de gestion réalistes est priorisée. Il paraîtrait que la présence des Renouées soit de mieux en mieux acceptée car difficile à combattre mais tout en conservant une action de lutte ciblée dans certains lieux.

Une question se pose : où faut-il agir et où faut-il laisser faire ?
Présente un peu partout sur les bords de la Rémarde, dans les endroits privés ou communaux, nous avons choisi de continuer une lutte ciblée au parc de l’Aleu. Soyons tout de même réalistes, sa forte présence dans certains lieux laisse à penser qu’elle s’implantera comme partout ailleurs sur le territoire.

Quelques conseils pour vos haies !
Certains sites de ventes donnent des conseils peu avisés sur le choix de l’occultation et de la plantation, tout d’abord en préconisant la pose de brise-vues plastiques dits « efficaces, durables et sans entretien » ! Il suffit de se promener dans les rues pour les observer rapidement défraîchis, déchirés, pendant de leur support et donc peu agréables à regarder…
Sachez que le Plan Local d’Urbanisme (PLU) ne les autorise pas. Il est préférable d’attendre tranquillement 3 ans pour voir s’étoffer une haie végétale.

Quelles espèces à proscrire pour ma haie ?
Bambou, laurier, thuyas voilà les espèces proposées le plus couramment… et invasives !
De la lutte internationale à la lutte locale, chaque acteur est utile pour la préservation de la biodiversité. Choisir les essences, acheter et planter sont des actions auxiliaires précieuses à la portée de tous.
Consulter la liste des essences locales préconisées par le Parc Naturel de la Haute Vallée de Chevreuse : essences-locales.say78.fr

Le saviez-vous ?
Le Laurier Palme est toxique pour l’homme et pour certains animaux domestiques. Tiges, feuilles, graines et au-delà de 10 fruits provoquent vomissements, nausées, céphalées, détresse respiratoire et troubles neurologiques nécessitant une hospitalisation rapide, entraînant parfois la mort. Comme beaucoup de plantes dangereuses, il est aussi utilisé en pharmacologie.