24/06/2025

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Certains parcours semblent tout tracés. Peut-être même trop tracés, au goût de Julien Soccard. Après un bac S obtenu en 1996, puis un DUT de mesures physiques en 1998, ce jeune Loirétain décide de changer radicalement de cap : il se lance dans un CAP et un BEP de couverture-charpente. Un choix inattendu, mais qui le conduira, 26 ans plus tard, à redonner un toit à des millions de fidèles : celui de Notre-Dame de Paris, incendiée en 2019. Une mission qui lui vaudra la Légion d’Honneur, remise par le Président de la République en avril 2025.

"Je voulais être acteur de mon avenir à travers un métier qui ait du sens. Et donner un toit aux gens, cela a du sens. »
C’est ainsi que Julien explique sa réorientation. Peu attiré par une carrière derrière des appareils de mesure, il capitalise sur les bases acquises lors de sa formation précédente pour obtenir en deux ans ses diplômes de couvreur et charpentier. Il rejoint ensuite l’École supérieure de couverture d’Angers, où il décroche un brevet professionnel, avant de sortir à 23 ans major du Concours de l’école, couronné par le diplôme le plus élevé du métier.

En parallèle, il suit des cours du soir à la Chambre des métiers d’Orléans, obtenant un brevet de maîtrise qui lui confère le titre de Maître Artisan. Toute cette formation de charpentier-couvreur est suivie en alternance dans trois entreprises : deux dans le Loiret, une à Paris. Il affine sa pratique sur des chantiers de châteaux en Sologne, musées ligériens, hôtels particuliers parisiens et même aux Invalides.

Un parcours d'excellence
En 2004, il intègre l’entreprise Union Technique du Bâtiment (UTB), la plus grande Scop du BTP de France, forte de 1 200 collaborateurs et 15 corps de métiers. Il débute comme chargé d’affaires, en lien direct avec les chantiers, les équipes, les architectes et les clients.
« Mon premier chantier a été la Cour de cassation au Palais de Justice, sur l’Île de la Cité : 28 millions de francs, 20 compagnons, cinq ans de travaux ! »
Il gravit les échelons au sein du groupe, pour en être depuis 2014 administrateur et directeur opérationnel en 2016. Il supervise aujourd’hui en permanence 80 chantiers, 250 personnes, 7 services travaux et un budget annuel de 30 millions d’euros.
Mais en 2011, c’est à Saint-Arnoult-en-Yvelines que l’histoire locale croise la sienne : il pilote la réfection de l’église Saint-Nicolas. Séduit par la douceur de vie du Sud-Yvelines, il y emménage un mois plus tard, le 2 avril 2011.

Le défi Notre-Dame
Le 15 avril 2019, Notre-Dame de Paris brûle. Julien Soccard ne le sait pas encore, mais ce sera le chantier de sa vie.
« L’émotion a été mondiale. Le défi, c’était de reconstruire à l’identique en cinq ans. L’Établissement public RNDP, Rebâtir Notre Dame de Paris, est créé pour gérer cette reconstruction. »
Après deux années de sécurisation et dépollution (2019–2021), la reconstruction débute. La couverture, 6 000 m² de toiture en plomb, est confiée à un groupement d’entreprises incluant UTB. Julien en supervise la réalisation : 150 000 heures de travail, réparties entre atelier et chantier.
« Le bâtiment comportait beaucoup d’ornements en plomb. Ils ont tous fondu. Il a fallu tout recréer à partir de plans de Viollet-le-Duc, de photos, et de scans 3D. On est parti d’une page blanche, là où d’ordinaire sur les chantiers de rénovation, on démonte pour reproduire à l’identique. »
Dragons, vouivres, fleurons, pinacles… habillent le cœur, le faitage et la flèche. Tout a été recréé à l’identique. La couverture est composée de feuilles de plomb de 170 x 60 cm coulées sur sable, une méthode ancienne plus durable que le laminage.
« Si Notre Dame est ouverte au public depuis le 8 décembre 2024, les travaux se poursuivent encore aujourd’hui au pied de la flèche. On habille de plomb son fût et ses deux niveaux. On recouvre de plomb tout le chêne de la structure extérieure. Actuellement 40 couvreurs sont encore en action et ce jusqu’à la fin de l’été 2025.  C’est un véritable travail d’art. À terme, il aura nécessité 400 tonnes de plomb. »

Une reconnaissance nationale
Ce chantier a mobilisé 2 500 personnes et 250 entreprises. Parmi elles, 33 personnalités désignées par Philippe Jost, le président du RNDP, ont été distinguées par la Légion d’Honneur. Julien Soccard est l’un des 20 représentants du monde de l’entreprise à avoir reçu cette distinction, remise par le Président de la République le 15 avril 2025.
« J’ai l’impression d’avoir vieilli de dix ans en trois ans. C’était intense. Mais quelle fierté que d’avoir contribué à rebâtir l’œuvre des compagnons d’hier. »