25/09/2024

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Naissons-nous artiste ou le devenons nous ? La question divise. Pour Corinne et Ghislain Delusseau-Rouxel, respectivement plasticienne et « sculpteur déchéticien » la révélation s’est construite au fil du temps et des rencontres.

L’histoire de l’art a toujours guidé Corinne dans son cursus de formation, afin d’en saisir l’évolution dans le temps et au travers des différents courants. Une soif de savoir qui s’est transformée en soif de savoir-faire, pour au fil des formations venir au secours d’œuvres à restaurer. « J’ai pratiqué la dorure à la feuille d’or, les différentes techniques de peinture à l’ancienne, mais aussi les faux bois, faux marbre et trompe l’œil. Au chapitre de ces illusions, le château de Versailles a été le support de mes sessions de formation où les faux sont souvent présents. Mon rêve aurait été d’exercer dans la restauration. Mais la création aussi m’attirait et il n’est pas simple de lier les deux. J’ai donc appliqué ces techniques pour mes propres créations lors de mes loisirs d’abord, puis de manière plus régulière, partageant mon temps entre vie professionnelle et vie artistique », retrace Corinne.

Métallier de formation, Ghislain a exercé dans la fabrication de portail, fenêtre et de charpente métallique. Autant dire que la rigueur et le souci de l’esthétisme ont été son quotidien. Sans être artiste, il n’en a pas moins exercé un métier d’art. La transition se fera au fil du temps mais surtout au fil des rencontres. Ce sont tout d’abord, les sculptures monumentales de l’artiste disparu en 2002, Robert Le Lagadec qui inspire Ghislain. « Il y a 30 ans, je découvre cet artiste défini comme un anarchiste et poète. À partir de déchets  métalliques, notamment de cuves à mazout, il donnait vie à des créatures fantasmagoriques. Son jardin des Mégafers à Fontenay-lès-Briis est aujourd’hui ouvert au public, lors des journées européennes du patrimoine et du parcours Helium.

Puis, il y a 18 ans, mon ami Christophe Charbonnel, sculpteur renommé installé à Bonnelles, me sollicite pour donner des cours de soudure à ses disciples afin de réaliser leurs structures. Devenu technico-commercial, cela faisait longtemps que je n’avais plus pratiqué. Mais cette expérience me redonne goût à la soudure et à la création, et à mon tour, dans la cabane de jardin, modestement, je me mets à façonner alors mes premières créatures avec des bouts de ferrailles assemblés au gré des traits de soudures », confie Ghislain.

« Il nous aura fallu terminer notre première œuvre commune, celle de notre foyer, pour laisser libre cours ensuite à notre passion », s’accorde le couple. Entretemps, il y a 20 ans, Corinne participe à la création de l’association Hélium, un collectif de 125 artistes en Vallée de Chevreuse.

C’est alors que la cabane de jardin laisse place à un atelier, avec deux univers distincts : le feu de la soudure et la couleur rouille pour Ghislain et la diversité des médiums (peinture, encre, plâtre, ciment, céramique, végétaux, graines et mousses…) et l’odeur de la colle de peau de lapin pour Corinne.

De leurs promenades en forêt, le couple trouve et collecte de vieux objets rouillés, bidons dentelés et élimés par le temps ainsi que morceaux de carcasses de voitures et tout autres objets métalliques. « On trouve cela beau, la nature en a pris possession et le temps les a sculptés. On les accumule au fond du jardin et je leur redonne vie en les assemblant pour former une silhouette. Tantôt celle d’un poisson, d’un échassier, d’un tyrex, d’un « scaraporte »… Depuis l’avènement des déchèteries, on ne trouve guère plus de ferrailles en forêt, mais des gravats abandonnés par des professionnels peu scrupuleux. Mon cheminement m’oriente aujourd’hui vers le laiton ou le cuivre issus d’objets dépassés du siècle dernier. Des objets de mobiliers anciens, poignées de portes, accessoires électriques… Lors de successions familiales, pour ne pas jeter les colifichets qui n’ont plus usage et d’intérêt de nos jours, on me confie parfois les biens de parents et grands-parents. Je les démonte et les associe pour les faire revivre sous la forme d’insectes et autres animaux fantastiques. Je me considère aujourd’hui comme un « passeur de mémoire », confie Ghislain.
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À son tour, le couple d’artiste tente de partager et de communiquer le goût de la création. Il est ainsi intervenu durant un trimestre au printemps dernier auprès des enfants de l’école maternelle du Jeu de Paume pour une réinterprétation du Petit Chaperon Rouge. Celle-ci a donné lieu à une œuvre créée par les enfants sur le thème de la récupération avec leurs propres jouets. Cette œuvre n’est rien d’autre que le méchant loup. Elle est toujours visible dans le hall d’entrée de l’établissement. Corinne et Ghislain interviennent également pour des ateliers au HPR de Bullion ainsi qu’à la Maison Elsa Triolet-Aragon, en plus de leurs diverses expositions (Galeries, Salons, Maison des insectes, Festival du lin…) .