04/03/2024
Le directeur de l’accueil de loisirs « Les Copains d’Abord » Raynald Martin présente la particularité d’être un artiste dont l’inspiration est puisée avec passion dans la nature. Un artiste aux multiples facettes qui place l’homme au-devant de la scène, alors qu’elle ne lui était pas du tout destinée…
Dernier d’une fratrie de 8 enfants, Raynald Martin est né à Dreux en 1967 dans la cité du « lièvre d’or », démolie depuis. Le gamin vit alors en pleine mixité culturelle à une époque où chaque enfant acquiert ses expériences dans la rue.
À son arrivée au collège, un léger trouble du langage l’écarte malgré lui de l’enseignement général et le réoriente en lycée professionnel. À ce stade, il devient un enfant vulnérable et souffre de moqueries quotidiennes et d’exclusion. Mais c’est aussi à cette période que Raynald découvre ces fabuleux outils que sont ses mains. « Mon père me disait, l’héritage que je te lègue, ce sont ta tête et tes mains. Si tu sais t’en servir, tu iras loin. Il a toujours été présent pour moi ainsi que pour mes frères et sœurs, et ce malgré son métier de chauffagiste, de professeur de judo au sein du club qu’il a créé tout comme le club d’haltérophilie de Dreux », se remémore le directeur de l’accueil de loisirs.
Bon élève, il obtiendra successivement son CAP, BEP et Bac pro de mécanique générale ce qui le destine à une carrière dans l’industrie. Il la débutera d’ailleurs dans la plasturgie.
Mais avant d’en arriver là, le jeune Raynald Martin, encore gamin, passait beaucoup de temps à observer la nature, à vouloir la comprendre, la connaître…
« Mon premier papillon je l’ai capturé dès l’âge de 5 ans. Mon père m’a fabriqué une petite boite pour ensuite les épingler et les observer. Je ne capturais jamais plus d’un papillon par espèce. Nous ne partions pas en vacances et je passais alors mes journées à la pêche dans l’étang le plus proche ou en forêt avec les potes. C’était l’époque des arcs et des flèches mais aussi des frondes. Les jouets d’avant. Ma seule consigne, il fallait être rentré pour 17h30 ».
Une fois adulte et autonome, Raynald s’éprend de voyages : Brésil, Amazonie, Cap Vert, Antilles, Costa Rica… Des voyages effectués non pas en mode touriste, mais en version expédition, encadrés par des guides entomologistes* de l’INRA*, du CNRS* ou de l’OPIE*. L’enfant amoureux de la nature qu’il a été sommeille toujours en lui. « Ces voyages sont destinés aux passionnés des insectes, au même titre qu’un safari photos en savane. Ils visent à observer les papillons sur leur zone de répartition, de les compter par espèce et par variété, selon le lieu et le taux d’humidité et à l’occasion d’en découvrir de nouveaux. Ces voyages ont été pour moi très formateurs. Ma collection compte plus de 8 000 papillons ». Mais ces déplacements ont aussi permis à Raynald de se découvrir une nouvelle passion, celles des TILLANDSIAS, des plantes aériennes, appelées aussi « les filles de l’air ». Elles poussent hors sol, sans substrat. Il en acquiert des pieds mères au Pérou et au Costa Rica, qu’il multiplie chez lui, pour ensuite les placer sur des supports naturels qu’il confectionne à base de noix de coco, cabosses de cacao et autres matériaux naturels pour ensuite les vendre sur les marchés aux plantes le week-end. Nous sommes en 2007, il a alors 30 ans.
De matériaux naturels en matériaux naturels et poussé par une imagination galopante, il se laisse séduire par le travail de l’argile, pour une nouvelle fois mettre en action ses mains. Il modèle alors l’argile pour lui donner vie. Il y ajoute toutes sortes de coques (cabosses, graine de Bouddha et de mangoustan…) et se crée un univers imaginaire peuplé de nombreux personnages, celui des Hacones. Il réalisera et vendra plus de 7 000 unités dont l’histoire est relatée dans un ouvrage vendu à 3 000 exemplaires lors de salons où il expose. Notre artiste fait preuve de bagou pour captiver son auditoire. « Les gens étaient séduits tout autant par l’univers de mes personnages que je leur dépeignais que par moi-même et mon accoutrement ».
Puis suivront d’autres univers ceux des « Trognons », « Gabonais », « Cetelems », « Pavots », « Chaufounettes « et bien d’autres encore…
« Mon atelier est aujourd’hui riche de plus de 40 univers avec autant de personnages différents… Ce sont mes jouets. Je ne me serais jamais imaginé raconter autant d’histoires en tant que bègue. Mais j’ai osé. Je suis conscient également que lorsque je raconte, ce n’est pas moi qui prend la parole, mais l’Homme des Bois. C’est comme cela que les gens m’identifient.
Aujourd’hui, dans ma fonction d’animateur et de médiateur, lorsqu’un enfant est en difficulté de parler, de créer ou de jouer, je lui dis : « Ose, fais. Et on verra après ». C’est un encouragement à la créativité, sans limites et sans barrières. Il faut inciter les enfants à la créativité. Il faut les laisser faire et les encourager. Il reste en moi ces souvenirs de mon enfance, de mon âme, la promesse faite à l’enfant que j’étais. Je ne veux plus être une personne vulnérable et j’essaierai d’éviter que d’autres enfants ressentent et vivent cette période de ma vie que j’ai subie. Avec l’équipe d’animation, nous faisons en sorte d’avoir tous cette valeur professionnelle ».
INRA : Institut National de la Recherche Agronomique
CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique
OPIE : Office Pour les Insectes et leur Environnement
Entomologiste : Spécialiste de l’étude des insectes.